Rencontre avec Tajan, expert de la Maison René Boivin

Rencontre avec... Ventes aux enchères

Écrit par Bérengère Treussard - Dimanche 18 juin 2017

La Maison Boivin est souvent à l’Honneur chez Tajan. En effet, encore une fois, onze bijoux René Boivin sont présentés à la vente les 20 et 21 juin 2017 pour Paris Precious Week. Les ventes de prestige de la Maison Tajan regroupent notamment cette année des bronzes (Rodin), peintures (Chagall, Picasso, Renoir, Pierre Soulages..), dessin (Léonard de Vinci), montres, mobilier exceptionnel et bien sûr bijoux exceptionnels.

Nous n’avons pas pu résister à la tentation d’interroger l’expert des bijoux de la Maison Tajan, Monsieur Jean-Norbert Salit qui nous fait le plaisir de répondre à quelques questions sur cette vente qui présente également des pierres extraordinaires.

Maison Tajan, experte du bijou René Boivin

Réunir 11 pièces signées René Boivin dans la même vente, une jolie prouesse Monsieur Salit ?

Il s’agit en effet de 11 pièces d’une Maison très recherchée car la Maison René Boivin est devenue une sorte de mythe de la joaillerie. La Maison Tajan a déjà présenté à la vente 240 bijoux Boivin depuis 2005. Nous sommes très heureux de la confiance que nous accordent les collectionneurs pour vendre leurs pièces favorites et notamment les 8 collectionneurs qui nous ont confiés les 11 bijoux présentés à la vente aux enchères qui aura lieu les 20 et 21 juin prochains.

Vous êtes l’expert incontesté des bijoux René Boivin, la Maison Tajan est donc devenue l’experte naturelle de cette Maison de renom ?

Selon la formule, il faut rendre à César ce qui lui appartient : j’ai eu la grande chance de travailler pendant 20 ans aux cotés de Françoise Cailles et ainsi de pouvoir élaborer avec elle, en grande partie, le livre de référence sur la Maison René Boivin paru en 1992 qui est aujourd’hui quasiment introuvable. De ce partenariat fructueux, nous avons conservé l’intérêt des collectionneurs de René Boivin pour notre Maison.

De quel autre créateur, souhaiteriez-vous être une Maison de référence pour les collectionneurs  ?

Suzanne Belperron sans hésitation ! Ce qui est fascinant dans notre métier, c’est qu’une grand partie des bijoux réalisés dans la première moitié du XXème siècle n’étaient pas signés. Madame Boivin considérait en effet que son style serait reconnu entre tous ! Même si l’authentification est donc une chose peu aisée nous avons heureusement des faisceaux d’indices comme les noms des fabricants dont la liste figure dans le livre de 1992 pour nous aider à authentifier les bijoux. Je reconnais que j’ai eu beaucoup de chance dans ma carrière d’avoir vu autant de pièces exceptionnelles.

Bague chevalière dome 4,70 saphir bleu ceylan non chauffé, diamants et or jaune René Boivin des années 1975-1980 ©BérengèreTreussard2017

Comment le mythe de la Maison Boivin s’est créé selon vous ?

La création du mythe est assez complexe. Comment imaginer le destin de cette Maison élitiste qui, pendant 80 ans, concédait à vous recevoir au premier étage de l’avenue de l’opéra, prenait votre commande sur un petit carnet sans vous préciser ni le délai de livraison, ni le bijou souhaité ? Une Maison qui a pourtant sans conteste laissé une empreinte et un style singulier dans l’histoire de la joaillerie et qui jouit aujourd’hui d’une reconnaissance exceptionnelle dans le monde de l’art.

Il faut également rendre hommage à Françoise Cailles qui a participé au mythe, et sa rencontre avec le dernier propriétaire, Jacques Bernard. Il a su conserver l’ADN de la maison tout en apportant sa vision et a ainsi transmis indirectement ce beau patrimoine historique en nous laissant écrire le livre.

Le mythe se crée aussi par l’inventivité sans cesse renouvelée. A chaque période, il y a des formes qui ont été à l’avant-garde du moment et qui sont encore des sources d’inspiration pour beaucoup. Contrairement à la tendance actuelle, il ne s’agit pas de donner l’illusion de créer une ligne qui fasse des ravages en très peu de temps. Il n’y a pas de recette miracle pour créer des bijoux dont le succès dépasserait les modes.

La Maison Boivin s’est construite sur 80 ans de création sans céder au diktat du marketing et en se renouvelant constamment.

Maison Tajan, le bijou objet d’art

Qu’est-ce qui fait des bijoux René Boivin des bijoux uniques ?

Le bijou René Boivin est unique parce qu’il est « amodal ». En dehors de toute mode, de toute référence, intemporel.

Pour les puristes, la joaillerie c’est l’art de faire tenir les 4 pierres précieuses entre elles. Utiliser le diamant et les 3 précieuses ( rubis, saphir et émeraude) comme éléments phares. On distinguait au XIX ème la bijouterie en or de la joaillerie en pierres précieuses.

Pour les bijoux René Boivin , on ne parle pas de joaillerie mais bien de bijoux ornementaux extrêmement décoratifs avec une architecture très fine, une bijouterie créatrice enrichie, un bijou sculpture en quelque sorte. Un bijou pièce d’art. Un bijou à transformation toujours novateur.

Paire de clips créoles René Boivin en cristal de roche ©BérengèreTreussard2017

Dans le bijou René Boivin, il y a beaucoup plus d’affect que de transgression. La nature est stylisée. Comme Chez René Lalique, même si c’était très nouveau, c’était parfaitement intégré chez René Boivin. Privilégier la couleur des gemmes plutôt que leur haute qualité. Cela fait partie de la culture française, on fait du précieux sans forcément utiliser des pierres très chères et on joue sur les variations de couleur.

Pour exemple, l’iconique broche en forme de botte de radis qui est extrêmement moderne pour l’époque.

Broche Botte de radis en rhodocrosite, diamants et Olivine René Boivin Photo du livre de Françoise Cailles

Il y a également une production rare, sur mesure, nourrie de l’imaginaire collectif et des clients évoluant dans un monde plus intellectuel que le nôtre.

René, Suzanne et Jacques Boivin ont su dire non au diktat de la mode : ils n’ont copié personne, ils sont « amodal », ils n’ont pas pris les modèles du temps pour privilégier le travail de création et c’est en cela que les créations sont uniques.

Bague articulé René Boivin 1970 en or jaune et diamants ©BérengèreTreussard2017

Parlez-nous d’un des bijoux de Boivin à la vente lors de Paris Precious week les 20 et 21 juin Prochains ?

En dehors de toute considération sur la valeur, la bague articulée très novatrice est une autre facette de la maison Boivin : elle a été conçue pour la propriétaire uniquement. Elle seule sait que l’anneau est mobile. Sur cette bague, le diamant rectangulaire à pans coupés et taillés à degrés en fines sertissures est bordé de deux larges moulures en or jaune. La pierre est magnifique et accompagnée d’un certificat du laboratoire LFG énonçant selon son opinion : couleur N-R pureté VS2. Cette bague des années 70, comme une bague de haute fantaisie est pleinement dans le jeu de la discrétion et de l’intimité du rapport de cette bague qui n’a d’intérêt et de luxe que pour la propriétaire (cf. Exposition MEDUSA) et qui arrive à rendre visible une grande pierre sans être ostentatoire.

La Maison Boivin est dans cet esprit-là, elle aime le jeu caché, comme la broche mythique caméléon de Jacques Bernard, sa langue sert à faire pivoter son corps et à changer de couleur. C’est moderne et intemporel à la fois. Les bijoux de la jonction entre Madame Boivin et Monsieur Jacques Bernard sont pour moi des oeuvres inoubliables.

Broche Caméléon Réne Boivin photo du livre de Françoise Cailles

Y-a- t-il un avenir pour les collectionneurs de René Boivin ?

Mais certainement ! L’avenir est lié à l’accident, la bonne surprise que crée l’arrivée de bijoux moins connus sur le marché. La discrétion de cette Maison qui ne faisait pas étalage de ses créations nous réserve encore de bonnes surprises et de jolis trésors que je souhaite vivement encore pouvoir découvrir. Il y a aujourd’hui un passé de collectionneurs mais également un avenir dans la découverte de nouvelles pièces autour d’un intérêt grandissant pour porter des bijoux anciens, porteurs de l’histoire de leurs propriétaires mais aussi de l’histoire d’une Maison mythique.

Historiquement, la vente Windsor 1987 est pour moi le tournant de cette prise de possession des collectionneurs et de cette folie qui est : « Je veux un morceau de cette identité ! » Les bijoux signés de créateurs se sont alors révélés dans un autre marché que le bijou anonyme, sur le marché de l’art.

Avec la Maison Tajan, nous essayons d’élever le bijou à un objet d’art.

Paire de clips d’oreilles en cristal de roche Or jaune et Saphir 1980 René Boivin ©BérengèreTreussard2017

Vous avez également quatre pierres exceptionnelles présentées lors de cette vente, pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous avons l’habitude aussi chez Tajan de vendre des pierres exceptionnelles. La reconnaissance intra-professionnelle est formalisée par le biais d’un ou deux grands laboratoires dont l’autorité est indiscutable, nous vendons des pierres avec des certificats.

Nous allons d’ailleurs présenter un diamant coussin de taille ancienne de 9 carats accompagné d’un certificat du Laboratoire SSEF énonçant selon son opinion : couleur naturelle Fancy Light Yellow, pureté VS1 estimé 50 000 à 60 000 euros. J’insiste sur la taille ancienne de 9 carats qui nous donne la certitude que ce diamant de couleur élégante est un diamant que nous ne pouvons plus trouver aujourd’hui. A voir ICI

Est également présenté un diamant navette ou marquise pour les anglophones flawless de type 2A (1% des pierres dans le monde) à la manière Golconde (taux de carbone proche de 100 %) donc assez exceptionnel de 15,73 Carats. Avec un certificat du laboratoire SSEF énonçant selon son opinion une couleur L, pur à la loupe Flawless, Type IIa. On trouve des diamants de type 2A également au Brésil, en Afrique du sud au Lesotho. Ce diamant est estimé entre 200 000 euros et 250 000 euros. A voir ICI

Une bague datant des années 1900 ornée d’un magnifique saphir birman de 12 carats qui permet de dater le saphir probablement extrait dans les mêmes années. Cette bague de style néo-Louis XV découlant de l’attirance de l’Impératrice Eugénie pour les modes décoratifs, illustre à la perfection ce moment de l’excellence à la française. La pierre a deux certificats, l’un du SSEF et l’autre du GUBELIN qui énoncent tous deux selon leur opinion l’origine birmane et l’absence de traitement thermique. Cette bague est estimée entre 320 000 euros et 400 000 euros.

Bague 1900 avec saphir Birman de 12 carats non chauffé ©BérengèreTreussard2017

Et enfin une bague Van Cleef & Arpels datant des années 70 ornée d’un rubis ovale de 2,63 carats couleur sang de pigeon très rare pour une pierre de cette taille. Le rubis est accompagné d’un rapport du Laboratoire SSEF énonçant l’origine birman et la couleur « Pigeon Blood » ce qui est extrêmement rare. La bague est estimée 140 0000 euros à 180 000 euros.

Bague Van Cleef & Arpels rubis de 2,63 carats couleur Sang de Pigeon des années 70 ©BérengèreTreussard2017

Merci Jean-Norbert Salit pour ce fort plaisant entretien qui révèle un grand amour du bijou, une passion pour les créateurs et la volonté sans cesse renouvelée d’élever le bijou au rang d’objet d’art, une culture sentimentale indéniable du bijou saluée.

Pour ma part, j’ai craqué pour cet exceptionnel collier en diamants transformable en un charmant bracelet avec des diamants essentiellement poires entre D et E datant des années 70, une pure merveille.

Exceptionnel collier diamants (D-E) à transformation des années 70 ventes aux enchères Tajan©BérengèreTreussard2017

Pour consulter le catalogue c’est ICI

Pour les expositions :

Espace Tajan – 37 rue des Mathurins – 75008 Paris
Jeudi 15 juin de 10h à 18h
Vendredi 16 juin de 10h à 18h
Samedi 17 juin de 11h à 18h
Dimanche 18 juin de 11h à 18h
Lundi 19 juin de 10h à 14h
Mardi 20 juin de 10h à 12h
Mercredi 21 juin de 10h à 12h

Pour contacter l’Expert :

Jean-Norbert Salit Expert-joaillier, membre du Syndicat français des experts professionnels en œuvres d’art T. +33 1 53 30 30 77 salit-jn@tajan.com

Bonnes enchères !

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