EXPOSITION : la légende Chaumet narrée à travers l’histoire de Joséphine et Napoléon

Exposition Haute joaillerie

Écrit par Isis Eutrope - Mercredi 21 juillet 2021

À l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, la maison Chaumet ouvre au public ses salons privés place Vendôme pour présenter son exposition « Joséphine et Napoléon, une histoire (extra)ordinaire » jusqu’au 18 juillet 2021.

Rendez-vous dans le prestigieux hôtel particulier du 12 Vendôme pour une immersion au cœur de l’histoire parallèle d’un couple légendaire, Joséphine de Beauharnais et Napoléon Bonaparte, et de la maison de haute joaillerie parisienne Chaumet. À travers les sept salons, dont le Salon Chopin classé aux monuments historiques, vous remonterez le temps pour parcourir un narratif mêlant joaillerie et histoire de France…

Organisée sous le commissariat de Pierre Branda, historien et directeur du service patrimoine de la fondation Napoléon, cette exposition gratuite sur réservation rassemble plus de 150 œuvres exceptionnelles, dont près d’un tiers révélées au public pour la première fois. Vous découvrirez divers objets d’art, pièces de joaillerie, tableaux, lettres et documents d’arts graphiques, issus de la collection patrimoniale de la Maison Chaumet mais aussi de prêts de collectionneurs privés et d’institutions culturelles telles que le musée du Louvre, le château de Fontainebleau ou encore le musée national des Châteaux de Malmaison.

Nous sommes très chanceuses d’avoir pu découvrir l’exposition avec comme guide la passionnée et passionnante historienne du bijou Michèle Heuzé, qui nous a partagé son savoir et livré plusieurs anecdotes sur le couple impérial.

La naissance d’une histoire d’amour passionnelle

Joséphine, née Marie Josèphe Rose de Tascher de la Pagerie à la Martinique, est mère de deux enfants, Eugène et Hortense, et veuve d’Alexandre de Beauharnais, guillotiné lors de la Révolution, lorsqu’elle rencontre le jeune général corse Napoléon Bonaparte. C’est le coup de foudre immédiat et le début d’une véritable passion entre les deux amants, qui décident très rapidement de se marier. Le 9 mars 1796, jour du mariage, Napoléon offre à son épouse, qu’il a rebaptisée « Joséphine », un anneau en émail noir sur lequel sont gravés les mots « Au destin », véritable symbole de son amour. Notez qu’il s’agit là du mariage civil : le mariage religieux n’aura lieu qu’en 1804 dans la chapelle des Tuileries, en urgence car nécessaire pour se faire sacrer !

Peu après le mariage, Napoléon quitte Paris pour sa campagne d’Italie et entame alors une relation épistolaire avec son épouse. Des lettres d’amour enflammées que vous pourrez décrypter lors de l’exposition, et qui vous plongeront dans l’intimité du couple…

« Je me réveille plein de toi. Ton portrais et le souvenir de l'énivrante soirée d'hiers n'ont point laissé de repos à mes sens. Douce et incomparable Joséphine, quelle effet bizarre faite vous sur mon coeur ! […] En attendant, mio dolce amor, reçois un millier de baisé ; mais ne m'en donne pas, car il brûle mon sang. »
Extrait d’une lettre de Napoléon à Joséphine (1795)

Bague de Joséphine aux initiales JNB (Joséphine Napoléon Bonaparte) en or et émail, anonyme, vers 1796 – Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau © Chaumet

Joséphine, Napoléon, Chaumet : trois destins intimement liés

Avant de prendre le nom de Joseph Chaumet à la fin du XIXème siècle, la Maison a porté le nom des chefs d’atelier qui l’ont précédé. C’est en fait Marie-Étienne Nitot, ancien collaborateur du joaillier de Marie-Antoinette à la cour de Versailles et expert en pierres précieuses, qui fonde la Maison en 1780. Ce dernier devient, outre le témoin privilégié de l’histoire du couple, le joaillier attitré de Napoléon, marquant alors le point de départ de la légende de Chaumet…

Parmi les innombrables commandes que Napoléon passe à Nitot, on compte les fameux bijoux « acrostiches » qu’il offre à Joséphine (mais également à sa mère, sa sœur, et plus tard sa seconde épouse Marie-Louise). Le concept : les initiales de chaque pierre utilisée forment un message. Ainsi, l’Impératrice reçoit deux bracelets formant les prénoms de ses deux enfants, Hortense et Eugène : Hessonite, Opale, Rubis, Turquoise, Émeraude, Nicolo, Saphir, Émeraude pour Hortense et Émeraude, Uniaxe, Grenat, Émeraude, Nicolo, Émeraude pour Eugène. Poétiques et ludiques, ces bijoux de sentiments constituent de véritables gardiens de mémoire, l’immortalité des pierres cristallisant l’éternité du message d’amour. La maison Chaumet réinventera d’ailleurs ce bijou à travers les âges pour perpétuer la tradition.

Bracelets acrostiches de l’impératrice Joséphine aux prénoms de ses enfants Hortense et Eugène (or, pierres précieuses et diamants), François-Regnault Nitot, vers 1806 – collection inaliénable de la Maison Royale de Danemark © Chaumet

En 1804, les deux époux sont couronnés Empereur et Impératrice des Français : Nitot sertit la somptueuse Épée du Sacre, sur lequel il place le Régent, diamant légendaire de 140,5 carats.

Après le Sacre, Napoléon commande à Nitot une tiare qu’il souhaite offrir au pape Pie VII en remerciement de sa présence. Chargé d’apporter le somptueux cadeau, François-Regnault Nitot, fils de Marie-Étienne, fait halte à Milan où il fait la rencontre l’Impératrice. Immédiatement charmée par les créations de l’atelier Nitot, cette dernière en fait son joaillier attitré, grandissant alors la renommée de la Maison.

Plus tard, l’atelier Nitot réalise un glaive pour l’Empereur réutilisant les pierres démontées de l’épée, dont le Régent.

« Notre Maison de joaillerie est devenue le fournisseur envié de la cour impériale. L’Empereur l’a décrété : « On ne reconnaît pour le bijoutier que monsieur Nitot », a-t-il dit à ses officiers de cour… »
Marie-Étienne Nitot (Palais des Tuileries, été 1809)

Joséphine, impératrice de style

De son île natale, Joséphine conserve sa passion pour la nature et la botanique, qu’elle cultive au Château de Malmaison : sa serre rassemble la plus grande collection de végétaux du Paris de l’époque. Dans l’intime Salon Joséphine mettant en scène son univers exotique, vous retrouverez divers objets témoignant de cette passion, comme des herbiers.

Séduite par les bijoux naturalistes de Nitot, elle commande à ce dernier un diadème orné d’épis de blé sertis de diamants et inspire, telle une « influenceuse » de l’époque, la mode du diadème, ultime symbole de majesté qui demeure encore aujourd’hui la spécialité de la maison Chaumet. Ce bijou de tête fera la renommée de l’atelier qui se verra submergé par les commandes de la cour.

Vous pourrez d’ailleurs admirer les prestigieuses collections historiques de la maison Chaumet dans le Salon des diadèmes, avec au mur des centaines de maquettes de diadèmes en maillechort.

Femme de pouvoir indépendante, Joséphine possède une impressionnante collection de bijoux, si bien qu’elle accorde ses parures au ton de la pièce dans laquelle elle se trouve : une véritable icône de style ! Au fil de la visite, vous remarquerez que l’Impératrice apprécie particulièrement les perles et les intailles. Ses parures sont constituées au minimum d’un peigne, un collier, des boucles d’oreilles et des bracelets en paires.

« Ses collections de pierres précieuses sont tellement étoffées qu’elle peut, à son gré, choisir le vert laiteux de l’opale, le rose de la tourmaline, le blanc des coquillages, le bleu profond des lapis ou celui, plus pâle, des turquoises. »
Marie-Étienne Nitot (Château de Malmaison, avril 1807)

Une passion éternelle

Joséphine ne pouvant donner d’héritier à l’Empereur, le couple est contraint de dissoudre le mariage pour raison d’État en 1809. Et pourtant, c’est la progéniture de l’ancienne Impératrice qui montera plus tard sur le trône : Napoléon III, fils d’Hortense de Beauharnais et de Louis Bonaparte, le frère cadet de Napoléon.

La même année, François-Regnault Nitot reprend l’atelier de son père Marie-Étienne, décédé quelques mois plus tôt, afin d’honorer les commandes de l’Empereur et de sa nouvelle épouse, Marie-Louise. Le dernier salon de l’exposition présente de nombreux joyaux du reste de la famille Bonaparte ainsi que d’autres familles royales, prolongeant ainsi le parcours à travers l’histoire joaillière de l’Europe.

À la fin de l’Empire en 1815, François-Regnault cèdera à son tour la Maison à son chef d’atelier, Jean-Baptiste Fossin, qui continuera de la faire rayonner.

« L’histoire extraordinaire commencée pendant la Révolution ne connaît pas de fin. C’est même le contraire : Joséphine et Napoléon triomphent encore, et leur majesté est éternelle. »
François-Regnault Nitot (Place Vendôme, décembre 1852)

Ceinture gothique de Marie-Louise et son écrin (or, perles fines et onyx), François-Regnault Nitot, 1813 – Paris, collection Chaumet © Chaumet

Joaillier légendaire ancré dans l’Histoire de France, la maison Chaumet continue de faire briller la passion éternelle et transcendante du couple impérial à travers ses créations joaillières intemporelles, comme la nouvelle collection « Torsade » présentée lors de la semaine de la Haute Couture.

Chaumet
12 place Vendôme
75001 Paris
www.chaumet.com